Interview du Docteur Simon Lannou
Lannou et al. The Public Health Burden of Cardiomyopathies: Insights from a Nationwide Inpatient Study. Journal of clinical medicine 2020:9;920
Je suis médecin et chef de clinique en cardiologie au sein du centre de référence des cardiomyopathies à l’hôpital AH-HP Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt.
J’ai réalisé l’étude durant ma deuxième année de master en 2017. Mon choix a été d’analyser l’impact en santé publique des différentes cardiomyopathies qui ont été divisées en quatre groupes : (i) Dilatées ; (ii) Hypertrophiques ; (iii) Restrictives,et (iv) les autres.
Le projet a duré huit mois, il était encadré par les équipes du CHU Ambroise Paré (Pr Mansencal, Dubourg, Charron), de l’Agence de Biomédecine (Dr Couchoud et Jacquelinet) et du Centre de recherche en épidémiologie à Villejuif (Dr Stengel).
Figure : Proportion de patients atteints de cardiomyopathies parmi tous les patients hospitalisés pour un événement cardiovasculaire majeur ou une procédure thérapeutique invasive en 2015.
- L’étude
Cette étude épidémiologique est tout à fait innovante, puisque actuellement aucunes données sur le poids des cardiomyopathies en France et même dans le monde n’ont été publiées. Elle a été initiée sous l’impulsion de plusieurs facteurs :
- Le manque de données et de connaissances sur les quatre groupes de cardiomyopathies ;
- L’attrait de mes professeurs, collèges et moi-même envers cette maladie pour mon master ;
- Le besoin d’en savoir plus afin d’améliorer la prise en charge des personnes touchées par une cardiomyopathie.
Il était important pour nous de travailler avec l’Agence de Biomédecine car c’est grâce à leur accès à la base de données PMSI de l’ensemble des hospitalisations en France (Programme de médicalisation des systèmes d’information) et CRISTAL (base des greffés cardiaques) que nous avons réussi à rassembler toutes les informations nécessaires afin de mener à bien notre projet. Entre 2008 et 2015 un total de 324 461 patients ont été hospitalisés pour une cardiomyopathie et nous avons donc analysé les motifs d’hospitalisation et les procédures associés aux séjours hospitaliers, ainsi que la part respective des diverses cardiomyopathies
Ainsi grâce à nos recherches et aux différents acteurs nous avons réussi à déterminer :
- La prévalence des hospitalisations pour cardiomyopathie qui est de 809 par million d’habitants par an et concerne chaque année 55.000 patients distincts.
- La part que représentent les cardiomyopathies (tout type confondu) au sein de la totalité des transplantations en France (51% des greffes) , des poses de défibrillateur (33% des DAI), des assistances circulatoires (33%) ou des hospiotalisations pour insuffisance cardiaque (11%).
- Chez les patients de moins de 40 ans, ces proportions sont bien plus importantes (voir Figure) dont 71% des transplantations.
- L’évolution dans le temps a été étudiée avec une augmentation régulière des défibrillateurs, des greffes, mais dans le même temps une diminution de la mortalité hospitalière.
Cette étude est déterminante pour l’optimisation de la prise en charge des patients d’un point de vue médical, social mais aussi économique (remboursement, aides financières etc.).
- L’avenir
Avant de parler de la suite, il est important de dire que c’est un travail qui m’a permis d’aborder un autre aspect de la médecine et de la recherche. Il m’a mis en relation différentes équipes, disciplines avec différents points de vues et objectifs, ce qui est très enrichissant.
Pour finir, nous aimerions poursuivre et nous intéresser aux différentes cardiomyopathies de façon individuelle afin d’accompagner encore plus le patient, et aider au mieux les professionnels de la santé dans la prise en charge de celui-ci.