Portrait : Céline Bordet, conseillère en génétique au Centre de Référence Maladie Rare
Céline Bordet, conseillère en génétique au centre de référence maladie rare (CRMR) « Maladies Cardiaques Héréditaires » à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.
Depuis combien de temps travaillez-vous au centre de référence « maladies cardiaques héréditaires » ?
J’ai débuté en tant que conseillère en génétique en septembre 2013 dans le service de génétique clinique de la Pitié Salpetrière. J’avais pu réaliser mon stage de fin d’étude dans le service et j’avais déjà été particulièrement intéressée par le domaine des maladies cardiaques héréditaires. La disponibilité d’un poste de conseiller en génétique concomitante à la fin de mon stage a été une très belle opportunité qui m’a permis de m’engager de façon pérenne au centre de référence.
Quelle a été votre formation pour devenir conseiller en génétique ?
Après l’obtention d’une licence en génétique à l’université de Rennes j’ai pu intégrer, à l’issu d’une sélection, le Master Conseil en génétique et médecine prédictive de l’université d’Aix Marseille.
Pouvez-vous nous définir vos missions ?
Mon activité principale est centrée sur les consultations. Je reçois en consultation de conseil génétique des patients ou des apparentés asymptomatiques. La consultation de conseil génétique a pour but d’informer les patients et leur famille sur : la probabilité d’une origine génétique de la maladie, le mode de transmission, le bénéfice d’un bilan cardiaque familial, de réaliser un test génétique (intérêt et limites du test).
J’organise les « Staff », les réunions de concertations pluridisciplinaires (RCP) à l’échelle locale.
J’ai également une activité d’enseignement au sein de diplômes interuniversitaires, tels que le DIU Maladies cardiaques héréditaires ou rares organisé par la filière Cardiogen, et le DIU Maladies génétiques : approche transdisciplinaire, master conseil génétique à Marseille…).
Enfin, j’ai la chance de participer à des projets de recherche.
Quels sont les professionnels de santé, et les interlocuteurs avec qui vous êtes le plus en étroite collaboration ?
Les cardiologues hospitaliers et libéraux, les biologistes responsables des analyses génétiques moléculaires, les psychologues, les conseillers en génétiques d’autres centres. Mais aussi les associations de patients vers qui je peux orienter les patients.
Pouvez-vous nous parler des projets de recherche en cours en particulier du projet PREDICT ?
Le projet « PREDICT » porte sur l’étude de l’impact psychosocial du test génétique prédictif dans les maladies cardiaques héréditaires. C’est une étude multicentrique, puisque 20 centres ont collaboré à ce projet, financée par la Fondation Maladies Rares. Cette étude a débuté face à un constat, la méconnaissance de l’impact psycho social du test génétique prédictif (survenue de troubles psychopathologiques, impact sur les projets professionnels et/ou sur les relations interfamiliales ?), et aucune étude n’avait été réalisée pour y répondre.
L’objectif était d’évaluer l’impact psychologique et socio-professionnel de la révélation du statut génétique sur les personnes à risque de développer une maladie cardiaque héréditaire et qui ont réalisé un test génétique prédictif.
Les données sont en cours d’analyse mais déjà plusieurs réponses inattendues se sont dégagées.
En effet, contrairement à ce que l’on pensait, le bénéfice médical n’est pas la motivation 1ère des consultants qui réalisent ce type de test. Il est donc important pour les professionnels de santé d’anticiper les enjeux non médicaux.
Autre point marquant, dans la majorité des cas il n’y a pas ou peu d’impact psychologique et/ou socioprofessionnel délétère à court terme, lorsque le diagnostic présymptomatique (DPS) est réalisé dans des équipes de génétique expertes dans le test prédictif.
Enfin, il est primordiale d’apporter une attention particulière pour identifier et accompagner les sous-groupes de sujets plus à risque d’anxiété ou de changements socio-professionnels à l’issu du test, non seulement les sujets porteurs de la mutation mais aussi ceux ayant des antécédents de dépression, ou encore ceux ayant initialement un niveau d’anxiété élevé, quel que soit le résultat du test génétique.
Depuis 6 ans quels ont été les changements globaux les plus prégnants ?
Il y a eu une grande évolution des connaissances dans le domaine de la biologie moléculaire ainsi que le développement de nouvelles techniques de séquençage à haut débit. Ces évolutions permettent d’obtenir des résultats plus rapidement et d’augmenter la rentabilité des analyses génétiques (nous identifions plus fréquemment la mutation génétique responsable de la maladie familiale).
Je trouve qu’il y a également une meilleure structuration des consultations, notamment sur l’ensemble du territoire, avec une identification claire des différents intervenants, tels que les cardiologues et les psychologues, entre autres.
Quelles sont les principales difficultés que vous pouvez rencontrer au quotidien ?
Comme dans beaucoup de centres je pense, je trouve que le principal problème est le manque de moyen humain. Cela a un réel impact dans tous les domaines de la prise en charge (délai d’attente important pour obtenir une consultation, délai de secrétariat, délai pour l’obtention des analyses génétiques…).
En quoi la filière est un support ?
La filière Cardiogen apporte une meilleure visibilité de l’accès au soin, une structuration des équipes. Elle permet également de développer des outils de communication qui sont ensuite mis à disposition de tous (financement par exemple de la brochure « C’est génétique ? » ayant pour but d’expliquer la cardiogénétique aux enfants et aux adolescents. Cette brochure permet de faciliter les échanges entre les enfants, les adolescents, leurs parents et les professionnels de la santé).
De plus grâce à la filière, j’ai l’impression qu’il y a une homogénéisation de l’accès au soin, avec notamment la diffusion de recommandations pour les médecins, permettant de réduire les disparités sur le territoire.